– Bah ! te voilà, dit le vieillard en souriant, maintenant tout est oublié, car tout est bien.
– Oui, me voilà, dit le jeune homme, me voilà avec un bel avenir et un peu d’argent. Tenez, père, dit-il, prenez, prenez, et envoyez chercher tout de suite quelque chose.
Et il vida sur la table ses poches, qui contenaient une douzaine de pièces d’or, cinq ou six écus de cinq francs et de la menue monnaie.
Le visage du vieux Dantès s’épanouit.
– A qui cela ? dit-il.
– Mais, à moi ! ... à toi ! à nous ! Prends, achète des provisions, sois heureux, demain il y en aura d’autres.
– Doucement, doucement, dit le vieillard en souriant ; avec ta permission, j’userai modérément de ta bourse : on croirait, si l’on me voyait acheter trop de choses à la fois, que j’ai été obligé d’attendre ton retour pour les acheter.
– Fais comme tu voudras ; mais, avant toutes choses, prends une servante, père, je ne veux plus que tu restes seul. J’ai du café de contrebande et d’excellent tabac dans un petit coffre de la cale, tu l’auras dès demain. Mais chut ! voici quelqu’un.
– C’est Caderousse qui aura appris ton arrivée, et qui vient sans doute te faire son compliment de bon retour.
– Bon ! encore des lèvres qui disent une chose tandis que le coeur en pense une autre ! murmura Edmond ; mais, n’importe, c’est un voisin qui nous a rendu service autrefois, qu’il soit le bienvenu.
En effet, au moment où Edmond achevait la phrase à voix basse, on vit apparaitre, encadrée par la porte du palier, la tête noire et barbue de Caderousse. C’était un homme de vingt-cinq à vingt-six ans ; il tenait à sa main un morceau de drap qu’en sa qualité de tailleur il s’apprêtait à changer en un revers d’habit.
– Eh ! te voilà donc revenu, Edmond ? dit-il avec un accent marseillais des plus prononcés et avec un large sourire qui découvrait ses dents blanches comme de l’ivoire.
– Comme vous voyez, voisin Caderousse, et prêt à vous être agréable en quelque chose que ce soit, répondit Dantès en dissimulant mal sa froideur sous cette offre de service.
– Merci, merci ; heureusement je n’ai besoin de rien, et ce sont même quelquefois les autres qui ont besoin de moi. – Dantès fit un mouvement. – Je ne te dis pas cela pour toi, garcon : je t’ai prêté de l’argent, tu me l’as rendu ; cela se fait entre bons voisins, et nous sommes quittes.
– On n’est jamais quitte envers ceux qui nous ont obligés, dit Dantès, car lorsqu’on ne leur doit plus l’argent, on leur doit la reconnaissance.
Les Vocabulaires
avenir n.m. 前途,前程
écu n.m. 埃居(法国古代钱币名,一种硬币)
épanouir v. pr. (花)开放,变得喜悦
provision n.f. 补给,(物资)储备
modérément adv. 有节制地,适度地
contrebande n.f. 走私,偷运
cale n.f. (商船的)货舱,底舱
compliment n.m. 恭维话,祝词
palier n.m. 楼梯平台
revers n.m. 反面,背面
dissimuler v.t. 掩饰,掩盖,隐瞒
froideur n.f. 冷淡,冷漠,无动于衷
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修改:easior FROM 103.40.221.*
FROM 27.115.42.*